Une tribune de Jacques Raynaud, président de la Fondation ARC, dans le centième numéro du Bulletin du Cancer.
Depuis plus de cinquante ans, la mission de la Fondation ARC est de lutter contre le cancer par la recherche.
Pour cela, nous identifions et sélectionnons les projets de recherche sur le cancer les plus prometteurs pour permettre leur mise en oeuvre, en plaçant l’innovation au coeur de notre action scientifique. Le cancer constitue, rappelons-le, la première cause de mortalité en France. Il frappe chaque année 365 000 personnes. Notre détermination demeure intacte et nos objectifs sont clairement affichés : mieux comprendre et prévenir la maladie, soigner et guérir toujours plus de patients, permettre une meilleure information du grand public sur la maladie et les avancées de la recherche.
Créée en 1962 à une époque où les enjeux n’étaient pas clairement identifiés et les actions isolées, l’ARC a su, grâce au soutien indéfectible de ses donateurs, contribuer à l’effort de structuration de la recherche française en cancérologie. Notre stratégie scientifique a toujours été de doter les laboratoires de recherche des moyens, tant humains que matériels, dont ils avaient besoin. Notre histoire est riche et féconde. Elle est également mouvementée. La crise de confiance que nous avons traversée au milieu des années 1990 a été surmontée, grâce notamment à l’exceptionnel travail mené par mon prédécesseur, Michel Lucas. Il a su alerter l’opinion sur le comportement inadmissible d’un homme qui avait trahi la confiance placée par les donateurs dans l’association. Michel Lucas a dès lors déployé toute son énergie pour relever l’association et faire perdurer sa mission première : accompagner l’effort indispensable des médecins et des chercheurs pour faire reculer la maladie.
Les nouvelles règles de gouvernance dont nous nous sommes dotés à cette époque ont été saluées par la Cour des Comptes, qui, dans son rapport daté de février 2005, a reconnu « un travail considérable pour bâtir une association fonctionnant sur des bases entièrement nouvelles, marquées par la rigueur de la gestion, la transparence des actions, la qualité des procédures suivies ». Les magistrats avaient alors salué notre action comme « un exemple à suivre dans le domaine caritatif ».
Cette profonde entreprise de reconstruction a débouché il y a un peu plus d’un an sur la naissance de la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, reconnue d’utilité publique le 16 mars 2012. Forts de ce nouveau statut, nous nous sommes alors engagés sur un nouvel objectif : guérir deux cancers sur trois d’ici 2025.
Plus de 6 400 projets ont été soutenus par la Fondation ARC au cours des dix dernières années, soit une aide totale à la recherche de 273 millions d’euros. En 2012, notre effort s’est élevé à plus de 30 millions d’euros, permettant de faire émerger 388 nouveaux projets dans des domaines aussi variés que la biologie du développement, la recherche chirurgicale, les sciences humaines et sociales ou encore les essais cliniques de thérapies ciblées. Cette action passe notamment par la mise en place de partenariats avec d’autres acteurs de la cancérologie. La Fondation ARC est ainsi membre du Conseil d’administration de l’INCa depuis 2005. Dès 2011, la Fondation ARC s’est associée à l’INCa pour participer au financement de 16 centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP2). Elle participe ainsi à la mise en place d’essais cliniques de thérapies ciblées afin de favoriser l’accès aux molécules innovantes issues des laboratoires pharmaceutiques pour les patients pris en charge en France.
Le financement de la recherche mobilise plus de 75 % de nos dépenses annuelles. Rappelons d’ailleurs que la Fondation ARC ne bénéficie d’aucune subvention publique ; seule la générosité de ses donateurs lui permet de soutenir activement la recherche. Plus de 300 000 personnes ont aidé la Fondation ARC ces trois dernières années : qu’elles en soient une nouvelle fois remerciées.
Notre ambition est d’amplifier notre soutien à la recherche ; alors que nous avons collecté plus de 35 millions d’euros pour l’année 2012, nous souhaitons augmenter encore les ressources de la Fondation ARC en les hissant d’ici cinq ans à un niveau compris entre 35 et 40 millions d’euros. En tant que fondation, nous espérons attirer de nouveaux profils de donateurs, et notamment des grands mécènes. C’est ainsi que nous avons pu accueillir en fin d’année 2012 notre première fondation abritée, la Fondation Michelle et Maurice Turbeau.
La Fondation ARC a toujours été présente dans les grandes étapes qui ont jalonné l’histoire de la recherche en cancérologie depuis le début des années 1960.
À cette époque, le code génétique venait tout juste d’être découvert, ni le papillomavirus ni la bactérie Helicobacter pylori n’avaient été identifiés comme agents cancérigènes et les outils tels que la PCR n’équipaient pas encore les laboratoires de recherche. Depuis, nous sommes entrés dans l’ère de la médecine de précision où l’essor de la génétique permet de dresser le profil moléculaire des tumeurs afin d’adapter les décisions thérapeutiques aux caractéristiques propres de chaque patient.
La Fondation ARC poursuit son action aux côtés des acteurs de la recherche en cancérologie, au service des patients. Cela passe avant tout par un soutien renouvelé à une recherche fondamentale ambitieuse. La Fondation ARC souhaite ainsi poursuivre son action dans ce domaine en sélectionnant une grande part des projets qu’elle finance parmi des thématiques fondamentales. Par ce biais, nous voulons contribuer à faire avancer les connaissances dans plusieurs domaines, comme la physiologie cellulaire et le rôle des cellules souches, l’impact des dérèglements épigénétiques sur le comportement des cellules tumorales, le rôle du microenvironnement, du stroma au système immunitaire et aux bactéries intestinales, ou encore les liens entre vieillissement et oncogenèse. Cet investissement dans la recherche fondamentale reste indispensable pour alimenter la recherche translationnelle et continuer à faire émerger de nouvelles options thérapeutiques.
Notre stratégie scientifique mise plus que jamais sur la pluridisciplinarité pour rapprocher les différentes compétences engagées dans le combat contre le cancer et accélérer le transfert des avancées scientifiques au bénéfice des patients. C’est notamment pour cela que la Fondation ARC s’implique également dans le soutien aux sciences humaines et sociales. Car si le cancer est une maladie complexe sur le plan médical, il l’est tout autant sur les plans humain et social.
Face à la diversité des enjeux scientifiques et médicaux, la volonté de la Fondation ARC est de soutenir l’ensemble des projets qui auront un impact réel sur la recherche et la pratique thérapeutique. Notre passage en fondation marque également une nouvelle ambition en matière de partenariat qui nous permet d’envisager des projets de plus grande ampleur. Ainsi, dans les prochaines années, nous allons impulser trois grands programmes.
Toutes ces actions de soutien à l’écosystème de la recherche en cancérologie visent à faire émerger une nouvelle ère de la médecine, appelée la médecine 4P : préventive, prédictive, personnalisée et participative.
C’est ainsi que nous comptons maintenir et renforcer notre rôle de passerelle entre la générosité de nos donateurs et la créativité des chercheurs et médecins. Avec un objectif commun : guérir deux cancers sur trois dans la prochaine décennie.