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26 mars 2014

Cancer : mieux comprendre le rôle de la viande

Dire que toutes les relations entre consommation de viande et survenue des cancers sont parfaitement connues serait quelque peu présomptueux… Quels cancers, quelles viandes ? Si de nombreuses preuves scientifiques existent et ont permis d’établir des recommandations, les recherches actuelles visent à préciser les connaissances et à ouvrir de nouvelles perspectives. Objectif : mettre en place une prévention mieux adaptée à chacun.

Cancers et viandes, des liens établis

Le cancer est une maladie aux causes multiples. Nous savons que nos comportements et notre environnement comportent de nombreux facteurs qui participent à sa survenue. Si la cigarette est toujours la première et la plus connue des causes évitables de cancer, de nombreux autres facteurs, notamment nutritionnels, ont été identifiés : la sédentarité, le surpoids, la consommation d’alcool ou les régimes trop salés. Parmi eux, la consommation de charcuterie et de viandes rouges (englobant bœuf, agneau, mouton, cheval et porc) a une place bien particulière : ces aliments sont les seuls, jusqu’à présent, à être directement associés à une augmentation du risque de cancer, si l’on met de côté l’alcool et certains compléments alimentaires, qui ne sont pas - à proprement parler - des aliments.

Que sait-on précisément des liens entre la consommation de viandes et la survenue du cancer ? Tout d’abord l’effet délétère, dit « effet promoteur », n’a été démontré que pour les cancers colorectaux. Selon les études publiées en 20111, le risque de développer un cancer du côlon augmenterait de 14 %, et de 30 % dans les cas de cancers du rectum, pour des doses de 100g par jour. Un effet sur des cancers du pancréas (chez l’homme) et de la vessie pour les viandes rouges et charcuteries ainsi que sur les cancers de la prostate et de l’estomac pour les seules charcuteries serait aussi suspecté. Le nombre d’études est néanmoins encore trop faible pour établir des conclusions définitives. En revanche, pour les cancers du sein, de nombreuses études ont montré clairement qu’il n’était pas possible d’établir un lien entre leur développement et la surconsommation de viandes rouges et de charcuteries.

D’autres résultats ont montré que l’effet n’est significatif qu’au-delà d’un certain niveau de consommation. Ainsi, des recommandations internationales émises en 2007 et confirmées en 2011 ont été reprises au niveau national par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) et dans le cadre du PNNS (Plan national nutrition santé). Elles conseillent de limiter la consommation de viandes rouges à moins de 500 grammes par semaine, d’alterner avec des viandes blanches, du poisson, des œufs et des légumineuses et de limiter la consommation de charcuterie.

Identifier précisément les responsables…

Pour le Dr Fabrice Pierre, chercheur de l’unité mixte Toxalim, de l’INRA (Institut national de recherche agronomique) à Toulouse, « l’un des principaux challenges pour les chercheurs est de bien identifier l’agent - ou la combinaison d’agents - responsable(s) de l’effet des viandes rouges sur les cancers » C’est tout l’objet du projet ANR-ALIA Sécuriviande, coordonné par le Dr Fabrice Pierre, qui s’attache également à décrypter les mécanismes biologiques sous-jacents. Leurs résultats montrent que ceux-ci sont, de manière générale, indirects, complexes, et intriqués !

La transformation des viandes rouges et de la charcuterie dans le tube digestif produit des molécules de différents types qui peuvent avoir une action directe ou indirecte sur l’ADN, une fois entrées dans les cellules. Par exemple, les nitrites, utilisés comme additifs pour la préparation des charcuteries, sont susceptibles de former des molécules nitrosées qui peuvent altérer l’ADN et y induire des mutations à l’origine du processus de cancérisation. Par ailleurs, le fer hémique, c’est-à-dire le fer associé aux protéines qui forment le cœur de l’hémoglobine, pourrait agir de manière directe en produisant des molécules altérant l’ADN, mais aussi de manière indirecte, notamment en perturbant l’équilibre chimique interne des cellules et en favorisant la formation des composés nitrosés.

La cuisson à haute température, au barbecue par exemple, suspectée depuis très longtemps, ne semble pas avoir un rôle prépondérant dans la survenue du cancer : en effet, même si elle doit être utilisée avec parcimonie, les molécules qu’elle génère dans les viandes (les amines aromatiques hétérocycliques (AAH) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)) sont présentes en grande quantité dans les viandes blanches grillées ou dans les céréales, alors même que ces aliments n’ont aucun lien avec l’augmentation du risque de cancers colorectaux. Certains types d’AAH peuvent cependant être incriminés, mais leur effet délétère n’a été à ce jour observé que dans des cas où les patients présentaient un profil génétique particulier.

… pour mieux les évincer

Si une consommation raisonnable de viande est une recommandation que chacun doit suivre, on constate pourtant qu’elle n’est malheureusement pas encore suffisamment adoptée. C’est ce que rappelle le Dr Fabrice Pierre : « plus de 25 % de la population française se place dans le cadre d’une consommation excessive de viande ». À l’échelle de la population générale, cette statistique, compte tenu des facteurs de risque liés à la surconsommation de viandes, représente chaque année des centaines de cas de cancers qui pourraient donc être évités. L’enjeu est certes de renforcer la connaissance et l’adhésion de la population à ces recommandations. Mais c’est aussi, pour la recherche, de réussir à mettre en place des stratégies pour contrecarrer l’effet délétère de la viande rouge et de la charcuterie sans se priver de l’intérêt nutritionnel de ces produits (fer, vitamine B12).

Le Dr Fabrice Pierre propose des pistes de recherche très concrètes qui sont suivies dans le cadre du projet Sécuriviande : « Beaucoup d’agents, dans l’alimentation, peuvent limiter l’effet de la viande rouge ! Certains antioxydants, certains polyphénols, ou même le calcium peuvent tout à fait inhiber ses effets promoteurs ». Par exemple, le calcium va neutraliser le fer hémique et réduire ainsi son effet délétère direct ou indirect. Certaines vitamines vont quant à elles inhiber la formation des composés nitrosés. Les travaux actuels s’orientent notamment vers la possibilité de très légèrement modifier les aliments lors de leur production (ajout de calcium ou de tocophérol, une forme de vitamine E). Il est évident que cette démarche, pour se concrétiser, devra s’adapter à de nombreuses contraintes d’aspect, de goût et de sécurité alimentaire. Ainsi la réduction des nitrites en dessous d’un certain seuil, lors de la fabrication de charcuteries, modifie la couleur et le goût, et diminue la durée de conservation des produits…

L’acquisition de nouvelles connaissances sur le sujet va également permettre d’améliorer les messages de prévention. Préciser les recommandations en les adaptant à la culture, aux habitudes alimentaires, à l’état de santé, ou à l’héritage génétique, permet d’espérer une meilleure adhésion de chacun et donc une prévention plus personnalisée et plus efficace.


R.D.

1 Études réalisées dans le cadre du projet « Continuous Update Project » par le World Cancer Research Fund et l’American Institute for Cancer Research. WCRF/AICR (2011). Systematic Literature Review - Continuous Update Project Report: The Associations between Food, Nutrition and Physical Activity and the Risk of Colorectal Cancer. http://www.wcrf.org/cancer_research/cup/key_findings/colorectal_cancer.php