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17 juillet 2018

Les freins du retour au travail : une complexité qu’il faut appréhender

Pour mieux comprendre les ressorts d’une question importante de l’« après-cancer », les chercheurs doivent s’interroger sur ses aspects tant cliniques que biologiques, psychologiques et sociologiques.
Reprendre le travail après un diagnostic de cancer et les traitements qui l’accompagnent n’est pas toujours simple. Pourquoi ne s’agit-il souvent pas d’une simple formalité et comment améliorer ce retour à la vie d’avant ? Si des réglementations existent déjà pour l’encadrer, des équipes de chercheurs s’intéressent au sujet pour identifier les situations « à risque », celles qui nécessitent un accompagnement particulier.

Retrouver son travail après un arrêt de longue durée lié à la prise en charge d’un cancer peut être vécu de différentes façons. La reprise peut être synonyme de victoire contre la maladie - c’est le retour à une vie normale, elle peut aussi constituer une parenthèse, lorsque la maladie est toujours présente, mais elle peut aussi être vécue comme une contrainte, sociale ou financière en particulier. L’expérience de cette reprise peut, elle aussi, être très variable, qu’on la vive seul ou au sein d’une équipe, que celle-ci soit bienveillante ou indifférente aux difficultés rencontrées… Quoi qu’il en soit, cette étape est un marqueur important de l’impact de la maladie sur la qualité de vie des patients et anciens patients. Mieux comprendre les difficultés auxquelles ils font face est indispensable et constitue un champ de recherche qui nécessite l’apport de multiples disciplines.

5 ans après un diagnostic, quelle situation professionnelle ?

26,3 %
des personnes ont
vu leurs revenus baisser
20 %
des 18-54 ans ne
travaillent plus 5 ans après

Selon l’étude VICAN51, une personne sur cinq n’est plus en emploi cinq ans après avoir reçu un diagnostic de cancer entre 18 et 54 ans. Les données de l’étude, publiées en juin 2018, permettent de préciser que cette perte d’emploi est plus importante pendant les trois dernières années de cette période de cinq ans. Il ne s’agit donc pas des effets immédiats ou directs de la maladie ou des traitements, mais bien d’effets à plus long terme, différés, dont les ressorts doivent être mieux compris. Autre observation capitale de l’étude, la perte d’emploi touche davantage les personnes âgées de moins de 40 ans ou de plus de 50 ans, celles qui sont les moins diplômées, les contrats précaires et les métiers d’exécution.

Quand le retour au travail a pu avoir lieu, il est associé à un aménagement des conditions de travail dans 62,7 % des cas, un aménagement qui concerne le plus souvent le temps ou les horaires de travail. Des modifications de la charge ou du lieu de travail, par exemple, étaient moins fréquentes alors même qu’elles sont aussi rendues possibles par les articles du Code du travail qui fixent les modalités du retour après un arrêt maladie. Si la grande majorité des personnes se disent satisfaites des aménagements réalisés, 23,6 % considèrent qu’ils n’ont pas été suffisants ou adaptés.

Prises dans leur ensemble, ces données révèlent des difficultés générales de retour à l’emploi après une prise en charge de cancer. Pourtant, un cadre réglementaire existe bien et permet, dans la grande majorité des situations professionnelles, d’accompagner cette étape. Pour mieux comprendre l’origine des difficultés, il est indispensable de s’intéresser aux trajectoires individuelles, de considérer non pas l’ensemble des patients atteints de cancer mais d’identifier les épreuves que rencontrent les patients en fonction de la maladie qu’ils ont (eu) à combattre et des séquelles qu’ils en gardent, tant sur le plan physique que psychologique, en fonction de leur environnement social, familial ou, bien-sûr, professionnel… Dans cette optique, Gwenn Menvielle, de l’équipe de recherche en épidémiologie sociale (ERES, INSERM), coordonne l’étude CANTO-WORK. Conçue et mise en œuvre avec Agnès Dumas, sociologue à Gustave Roussy et spécialiste des questions d’insertion professionnelle, et Inès Vaz-Luis, oncologue médicale, cette étude vise à évaluer des effets combinés de facteurs cliniques, biologiques et sociaux dans le retour au travail des femmes qui sont ou ont été traitées pour un cancer du sein.

Des particularités à explorer

« En ce qui concerne les cancers du sein, explique Agnès Dumas, nous sommes dans une situation bien particulière : de nombreuses femmes sont toujours en âge de travailler lorsqu’elles reçoivent un diagnostic de cancer du sein et leurs traitements les exposent à des risques de séquelles susceptibles d’avoir un impact sur leur trajectoire professionnelle ». Les médecins et épidémiologistes savent déjà que nombre de patientes souffrent en particulier de limitations dans la mobilité des membres supérieurs, de fatigue, de difficultés à se concentrer et d’anxiété. « Mais la prise en charge évolue et les connaissances doivent continuellement être ré-interrogées, précise Agnès Dumas, nous remarquons aussi que les données sur le suivi à distance des traitements sont plus rares ».

32 %
des femmes ont
moins de 55 ans
20 %
des femmes ont
moins de 50 ans

Avec l’exploitation des données de la cohorte CANTO, les chercheuses espèrent combler ces besoins d’information et mieux comprendre le rôle des différents facteurs dans la reprise du travail : plus de 10 000 femmes traitées pour un cancer du sein doivent être suivies pendant 5 ans et des données précises seront ainsi collectées au diagnostic, à la fin des traitements, puis un, trois et cinq ans plus tard. « Nous serons alors en mesure de croiser des informations sur la nature de la tumeur, les traitements reçus, la situation clinique des patientes et notamment les séquelles physiques et psychiques qu’elles subissent, leur situation socioéconomique, familiale, leurs conditions de travail avant et après la reprise et les causes de cette reprise ».

Selon Agnès Dumas, l’exemple de la fatigue est emblématique des questions posées dans l’étude CANTO-WORK : cette séquelle est rapportée dans la grande majorité des cas et souvent longtemps après les traitements, mais est-elle strictement physique ou a-t-elle une origine émotionnelle ou morale ? Est-elle plus fréquemment rapportée par les femmes dont la situation professionnelle est précaire, par celles qui assument une charge familiale ou celles qui sont isolées ? Certaines études ont déjà associé la fatigue, un déclin cognitif ou certaines situations de détresse psychologique à un état inflammatoire chronique, peut-on alors associer cette fatigue à des marqueurs biologiques quantifiables dans le temps ? Enfin, bien-sûr, dans quelles circonstances la fatigue est–elle un frein pour le retour au travail ou une conséquence de celui-ci ?

Dans une optique d’intervention

Pour limiter les séquelles de la maladie, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sociales, différents soins de support sont proposés dans un nombre croissant de centres. Activité physique adaptée, méditation, sophrologie ou d’autres interventions comportementales ou psycho-sociales font ainsi leurs preuves dans l’accompagnement des patientes. Certaines études menées à l’étranger montrent que ces interventions, couplées à une aide sur les questions socioprofessionnelles, pourraient être efficaces en ce qui concerne le retour à l’emploi. Aujourd'hui, la question est donc double : il s’agit non seulement de savoir si ces techniques, dans notre contexte social et culturel, aideraient les femmes à mieux appréhender leur vie professionnelle tout en tenant compte de leur état de santé physique et morale, mais aussi, en amont, d’identifier les facteurs qui freinent l’accès à ces méthodes d’accompagnement. « Certaines femmes ne veulent plus entendre parler de cancer une fois que les traitements sont terminés, d’autres sont prises par l’urgence de reprendre le travail, certaines manquent d’information et ne sont pas orientées vers cette prise en charge » explique Agnès Dumas. Plus largement, l’objectif de l’étude CANTO-WORK sera de comprendre l’influence combinée des facteurs biologiques, sociaux, cliniques ou psychologiques afin de proposer, à terme, des interventions adaptées aux profils des femmes touchées par un cancer du sein. D’une manière générale, l’approche proposée pourrait ouvrir des perspectives pour améliorer plus globalement la qualité de vie des centaines de milliers de femmes qui vivent en France avec un antécédent de cancer du sein.

Le retour au travail : il faut l’organiser et savoir s’entourer

Reprendre la fonction professionnelle que l’on exerçait avant de devoir s’arrêter pour suivre un traitement souvent lourd et au cours duquel sa survie a pu être mise en jeu n’est pas un détail dans la vie quotidienne d’un patient ou d’un ancien patient. Cette démarche relève d’une décision qui doit être mûrement réfléchie et dont le déroulement doit idéalement être maîtrisé par le principal intéressé. Pour vivre au mieux cette étape, il est capital d’être bien informé. Pour en savoir plus sur les difficultés rencontrées, les dispositifs d’accompagnement, les aménagements possibles de la reprise de son poste, consultez la brochure réalisée en 2023 en collaboration avec Rose magazine.


R. D.

1. Etude VICAN5 réalisée auprès de plus de 4 100 patients atteints de différents cancers (12 localisations cancéreuses, dont les plus fréquentes). http://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/La-vie-cinq-ans-apres-un-diagnostic-de-cancer-Rapport