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04 juin 2014

Tabagisme des jeunes : quelle recherche pour quelle prévention ?

La consommation de tabac chez les adolescents est un problème majeur de santé publique. Pour mettre en place une prévention plus efficace, personnalisée, contre la première cause évitable de cancer, les chercheurs en sciences humaines et sociales tentent de mettre à jour et de comprendre les paramètres individuels et sociaux qui favorisent le tabagisme chez les jeunes.

Le tabac est chaque année responsable de 44 000 décès par cancer en France et les fumeurs, dans leur grande majorité, ont allumé leurs premières cigarettes à l’adolescence.

Les statistiques montrent que, parmi les jeunes adultes, le niveau de consommation est le plus important chez ceux qui ont commencé à fumer le plus tôt1. En termes de santé publique, la question du tabagisme des jeunes est donc centrale.

Qui sont les jeunes fumeurs ?

L’essentiel des études statistiques et sociologiques qui concernent les adolescents s’appuie sur trois enquêtes principales conduites par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT - voir encadré) : des questionnaires soumis à des adolescents de 11 à 17 ans, soit dans le cadre scolaire, soit dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté. Par ailleurs, des enquêtes portant sur la population générale prennent aussi en compte les jeunes. On peut citer, notamment, les « Baromètres santé », initiés en 1992 et réalisés par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), ou les « Baromètres cancer », réalisés en 2005 et 2010 conjointement par l’INPES et l’Institut national du cancer (INCa).

En France, ces études mises en perspective dans une expertise collective coordonnée par l’INSERM2 montrent que plus de 30 % des adolescents de 17 ans fumaient quotidiennement en 2011 (30 % des filles et 33 % des garçons). Si les filles expérimentent la cigarette plus tardivement que les garçons (à 11 ans, 6% des filles contre 12 % des garçons), les niveaux d’usage quotidien sont équivalents entre les deux sexes dès l’âge de 15 ans3. Des études des années 2000 suggèrent que les filles trouvent avec la cigarette une manière de s’affirmer (dans un environnement souvent vécu comme machiste), mais aussi une manière de réguler leur alimentation. De même, les filles, plus que les garçons, considèreraient le fait de fumer comme une adaptation à l’entrée dans l’enseignement supérieur. Les raisons qui poussent à ne pas fumer révèlent aussi des différences entre filles et garçons : les filles seraient rebutées par l’odeur de tabac sur leurs vêtements et leur corps alors que les garçons seraient plus inquiétés par la baisse des performances physique et sportive3.

L’analyse de la situation familiale et socioéconomique des jeunes interrogés montre un impact non négligeable de ces facteurs sur le tabagisme : si les catégories les plus aisées expérimentent autant que les autres, ce sont les jeunes issus des milieux sociaux les moins favorisés et/ou les élèves ayant plus de difficultés scolaires qui deviennent le plus souvent des fumeurs réguliers intensifs4.

Une consommation qui évolue

Le tabagisme quotidien des jeunes de 17 ans a drastiquement baissé entre 2000 et 2008, passant de 41 à 29 %. Entre 2008 et 2011, pourtant, le tabagisme quotidien de cette classe d’âge remontait de 29 à 32 %,  une tendance à la hausse qui avait déjà été observée dans un échantillon parisien entre 2004 et 2008. Depuis 2011, il semblerait que la courbe change à nouveau de sens : une enquête menée elle aussi auprès d’un échantillon parisien (12-19 ans) révèle une baisse d’environ 9 % du taux de fumeurs quotidiens et occasionnels entre 2011 et 20145. Reste à savoir si d’autres études confirment, à l’échelle nationale, cette nouvelle tendance parisienne, qui pourrait être due à l’arrivée de la cigarette électronique.

D’une manière générale, la marginalisation de la cigarette, notamment par l’action de réglementations restrictives, semble avoir un effet stigmatisant surtout chez les adultes, le tabac bénéficiant encore, chez les jeunes, d’une image positive de transgression et de prise d’autonomie.

La recherche au service de la prévention

Malgré d’importantes campagnes de prévention, les augmentations de tarifs, l’interdiction à la vente aux moins de 16 ans en 2003 puis au moins de 18 ans en 2009, le tabac est toujours le premier produit psychoactif consommé quotidiennement à l’adolescence, devant l’alcool et le cannabis. Le troisième Plan cancer, ainsi que le Plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017 font aujourd’hui de la lutte contre le tabagisme des jeunes une priorité.

Pour améliorer la prévention, le rôle de la recherche est de proposer des alternatives, de nouvelles options. Dans ce cadre les sciences humaines et sociales aident à définir des groupes cibles et leurs cordes sensibles, à qualifier les usages et à interpréter les tendances. La finalité étant de parvenir à mieux cibler les actions de prévention pour toucher efficacement certains publics spécifiques. Pour exemple, les chercheurs, comme les acteurs de terrain, considèrent qu’une prévention différentiée selon le genre serait bien plus cohérente qu’une action générale, les deux sexes n’étant pas nécessairement sensibles aux mêmes arguments. Par ailleurs, des travaux anglo-saxons ont montré l’efficacité de la prévention par les pairs : il s’agit d’une approche basée sur la formation de quelques jeunes identifiés comme ayant une influence sur leurs camarades, et assurant ensuite, dans l’établissement, la mission d’information et/ou de prévention. De telles expériences sont en cours, comme par exemple le programme « P2P, agir par les pairs », mis en place en région Languedoc-Roussillon grâce à un partenariat entre l’Education nationale, L’Agence régionale de santé et la région.

L’expertise collective de l’INSERM propose aussi une série de ressorts sur lesquels agir : aider les adolescents à gérer leurs émotions, à prendre des décisions ou à développer leur estime de soi ; former les parents à la gestion des conflits ; mieux les informer sur les risques de la consommation précoce et sur les signes de cette consommation ; les aider à mieux communiquer sur ces sujets avec leurs enfants ou adolescents… Parallèlement les experts appellent la mise en place d’une « commission d’évaluation des programmes de prévention », de manière à ce que les retours d’expériences soient encore mieux exploités qu’actuellement.

Selon cette expertise collective, les chercheurs doivent davantage développer les études permettant de suivre, sur de nombreuses années, des individus, leurs parcours de vie et de consommation. Ces études seraient comparables aux études de cohortes menées en recherche clinique biomédicale, dont le but est d’observer la survenue d’évènements de santé au sein d’une population définie. Elles pourraient aussi se pencher sur les non-fumeurs, afin d’identifier d’éventuels facteurs « protecteurs », en opposition aux facteurs de risques.

Plusieurs études d’ampleur nationale ou internationale doivent être réalisées en 2014. Leurs résultats, permettront de savoir si les actions de prévention plus ciblées, que les experts plébiscitent, ainsi que l’apport de l’e-cigarette, permettent de mieux lutter contre le tabagisme des jeunes.

L’enquête HBSC (Health Behaviour in School-aged Children), commanditée par l’organisation mondiale de la santé (OMS), est menée tous les 4 ans depuis 1982. Sa méthodologie standardisée lui permet d’être réalisée dans une quarantaine de pays. Elle s’adresse aux élèves de 11 à 15 ans et fournit des informations sur la perception qu’ils ont de leur santé, de leur vécu au sein de l’école, de leur groupe de pairs et de leur famille.

L’enquête ESPAD (European school survey on alcool and other drugs) est menée tous les 4 ans depuis 1995 auprès d’adolescents de 16 ans. Elle a été conçue à l’échelle européenne et la France y participe depuis 1999. Elle y est réalisée par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), avec de nombreux partenariats institutionnels, notamment l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) et plus précisément le département « Enquêtes et analyses statistiques » dirigé par François Beck.

L’enquête ESCAPAD (Enquête sur la santé et les consommations lors de l'appel de préparation à la défense) est menée tous les deux ans environ depuis 2000 par l’OFDT. Elle touche tous les Français de 17 ans, convoqués à la « Journée défense et citoyenneté » et s’intéresse à leur santé et à leur consommation des produits psychoactifs.


R.D.

Source : Article rédigé avec la collaboration des docteurs François Beck et Romain Guignard, du département Enquêtes et analyses statistiques de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES).

1 Romain Guignard, François Beck ; Le tabagisme chez les jeunes de 15-30 ans ; dans Les comportements de santé des jeunes - Analyses du Baromètre santé 2010 ; INPES 2013
2 Pôle Expertise Collective de l’INSERM, ITMO Santé publique ; Conduites addictives chez les adolescents. Usages, prévention et accompagnement. Principaux constats et recommandations ; Février 2014
3 François Beck ; Le tabagisme des adolescents. Regards croisés de l’épidémiologie et de la sociologie ; Médecine/Sciences ; 2011 ; 27 : 308-10.
4 Stanislas Spilka, Olivier Le Nézet, François Beck, Romain Guignard, Emmanuelle Godeau. Tabac, alcool, cannabis et autres drogues illicites. Dans La Santé des collégiens en France, 2010. Données françaises de l’enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC). INPES, 2012.
5 APM, 16 mai 2014 ; Baisse du tabagisme chez les 12-19 ans depuis l’arrivée de l’e-cigarette