Le cancer
La recherche s’est longtemps focalisée sur la cellule tumorale elle-même. Depuis quelques années, les chercheurs essaient de comprendre la façon dont ces cellules interagissent avec leur environnement proche. Quels processus mettent-elles en place pour échapper au système immunitaire ou pour réussir à se disséminer ? La compréhension de ces mécanismes aboutit à la mise au point de nouveaux types de traitement.
Les cellules souches cancéreuses sont, à l’image des cellules souches des tissus, capables de s’auto-renouveler et de donner naissance à de nouvelles cellules plus matures. Dans le cas du cancer, elles représentent une part
minoritaire des cellules qui composent les tumeurs solides ou les leucémies. Elles s’auto-renouvellent, entretenant le stock de cellules souches cancéreuses, ou se différencient en cellules cancéreuses plus « matures » qui accumulent les anomalies moléculaires et expriment différents récepteurs à leur surface, ce qui explique la diversité des cellules cancéreuses au sein d’une même tumeur. Ces cellules sont de plus en plus étudiées car les
preuves s’accumulent sur leur implication dans les résistances aux traitements, dans les récidives et dans la survenue de métastases. Cela en fait des cibles de grand intérêt pour développer de nouveaux traitements.
L’épigénétique est un champ récent de la recherche sur le cancer. Cette discipline étudie tous les paramètres susceptibles de moduler l’environnement chimique des gènes et de leurs transcrits (molécule ARN, intermédiaire
entre un gène et sa protéine) chez un patient. Ces modifications ont un impact sur la nature et la quantité des protéines produites par les cellules et sur le comportement de ces dernières. En cancérologie, l’épigénétique
pourrait influencer la fonction de gènes favorisant la transformation de cellules normales en cellules cancéreuses. Ces mécanismes devront être caractérisés pour trouver de nouveaux traitements.
Les études indiquent que 40 % des cancers sont causés par des facteurs de risques évitables, le dépistage tient une place déterminante dans l’ensemble des mesures de lutte contre la maladie. Des études portent sur l’évaluation des différents dispositifs de dépistage organisé pour en améliorer l’efficacité, augmenter la participation, surmonter les freins, et enfin identifier et agir sur les inégalités. Certaines populations, le plus souvent précaires, échappent aux dépistages organisés. L’objectif est de les faire revenir dans ces dispositifs par des incitations financières ou autres, pour augmenter les couvertures de dépistage. Ces travaux s’accompagnent le plus souvent d’évaluations médico-économiques.
La chirurgie et la radiothérapie restent deux stratégies incontournables dans le traitement des cancers. Si ces approches sont d’ores et déjà très efficaces, elles peuvent encore être améliorées. Le principal objectif des
recherches actuellement conduites vise à réduire les effets secondaires de ces traitements et à en renforcer la précision. Concernant la chirurgie, les progrès de la robotique permettent le développement d’approches moins
invasives. Du côté de la radiothérapie, l’objectif est de mettre au point des techniques d’irradiation toujours plus précises, permettant d’épargner au maximum les tissus sains avoisinant la tumeur à détruire.
Les médicaments anticancéreux en cours de développement sont essentiellement des thérapies ciblées et des immunothérapies, développées seules ou en association avec d’autres traitements. La majorité des patients ne peut pas encore bénéficier de ces thérapies en raison, notamment, de l’absence de cibles identifiées au sein de leur tumeur. L’objectif de découvrir de nouvelles cibles, peut-être plus spécifiques de petits sous-groupes de cancers, mobilise de grands efforts de recherche actuellement. À terme, les médecins espèrent bénéficier d’un large panel de thérapies ciblant plusieurs mécanismes tumoraux pour chaque tumeur afin d’associer ces traitements entre eux et d’attaquer le cancer sur plusieurs fronts à la fois.
Les chercheurs luttent aussi contre les résistances à ces traitements et veulent augmenter leur efficacité et leur tolérance. Les thérapies ciblées ont souvent une durée d’action limitée. Au bout de quelque temps, elles perdent en efficacité chez une partie des patients et la tumeur se remet à progresser. Ces résistances sont très certainement le résultat de mécanismes adaptatifs des cellules cancéreuses qui contournent les effets des
médicaments pour survivre. Plusieurs de ces mécanismes ont déjà été identifiés et offrent de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre les résistantes médicamenteuses.
Des anticorps spécifiques d’antigènes tumoraux peuvent être utilisés comme « vecteurs » afin de diriger une chimiothérapie au sein de la tumeur. L’anticorps associé à une molécule de chimiothérapie est appelé Antibody Drug Conjugates (ADConjugué). Lorsque l’ADC a reconnu sa cible au sein de la tumeur et s’y est fixé, la chimiothérapie est relâchée de façon localisée, ce qui augmente son efficacité et diminue la dispersion du produit dans l’organisme et les effets indésirables associés. Plusieurs médicaments de ce type sont déjà commercialisés dans le traitement de lymphomes hodgkiniens ou encore dans des cancers du sein HER2, et des dizaines de médicaments ADConjugués sont en cours de développement.
Les connaissances accumulées grâce à la recherche montrent que chaque tumeur est unique : chez deux personnes souffrant d’un même cancer, les mécanismes de croissance ou de dissémination de la maladie peuvent
être très différents. Ainsi, chacune d’entre elles répondra différemment à un même traitement, y compris un traitement ciblé. Afin d’identifier les patients répondeurs et ceux qui ne tireront pas de bénéfice du traitement,
les chercheurs traquent des marqueurs biologiques de réponse aux différents traitements. Des travaux portent également sur l’identification de marqueurs de la sensibilité aiguë (effets indésirables rares mais sévères) à certains traitements, notamment à la radiothérapie.
Pour cela, les chercheurs s’appuient sur la recherche fondamentale mais aussi sur de très grandes banques de données. Ces données massives, anonymisées, permettent d’étudier la tolérance et la réponse aux différents traitements chez un très grand nombre de personnes, et ainsi de rechercher des facteurs prédictifs pour ces réponses.
Grâce à l’amélioration des connaissances et au développement de thérapies moins agressives, les médecins peuvent envisager des traitements moins lourds chez certains patients dont la tumeur est de meilleur pronostic d’après ses caractéristiques moléculaires (chimiothérapie ou non par exemple). Des travaux évaluent actuellement ces stratégies de désescalade thérapeutique dans des cohortes pour réduire le risque d’effets indésirables à court et long terme.
Le cancer a des répercussions à long terme sur le plan physique, psychologique et socio-économique par les effets de la maladie et du traitement reçu. Le patient est confronté au risque de rechute et à de possibles complications à long terme : toxicité de certains traitements (cardiotoxicité, infertilité), dépression, difficulté du
retour à l’emploi, troubles cognitifs dont le risque semble augmenté par la chimiothérapie, fatigue ou encore à l’apparition d’un deuxième cancer primaire.
Des projets de recherche portent sur l’identification de facteurs de risque de complications tardives et sur la susceptibilité génétique à ces complications tardives. Chercheurs et cliniciens travaillent par ailleurs à structurer ce suivi, améliorer l’accompagnement et favoriser une récupération physique et sociale complète, en particulier chez les enfants. Des travaux portent par exemple sur les effets de l’activité sportive dans la lutte contre la récidive.
Ce dossier a bénéficié du concours du Professeur Nicolas Penel, oncologue médical et chef du département de cancérologie générale du Centre Oscar Lambret (CLCC).