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21 février 2013

Metformine : un anti-diabétique contre les cancers ?

Depuis plusieurs années, on entend parler du possible rôle protecteur de certains médicaments contre le cancer, dont quelques uns figurent en haut de la liste des molécules les plus vendues en France. C'est le cas notamment de la metformine, utilisée dans le traitement du diabète de type 2. Cet antidiabétique, autorisé en France depuis 1959, est l'objet d'un nouvel intérêt alors que de nombreux travaux suggèrent une possible utilisation du médicament dans la lutte contre le cancer.

Des effets protecteurs

Tout part de recherches, menées au début des années 2000, qui ont montré que « la metformine pouvait aller cibler dans la cellule une voie de prolifération bien connue et l'inhiber », explique le Dr Frédéric Bost, chercheur au Centre méditerranéen de médecine moléculaire, basé à Nice. Le cancer étant lié à des perturbations de la prolifération des cellules (lesquelles entraînent la formation de tumeurs), le Dr Josie Evans et ses collègues de l'université de Dundee ont voulu savoir si la metformine pouvait jouer un rôle protecteur vis-à-vis de l'apparition de tumeurs. Pour le vérifier, ils ont réalisé en 2005 une étude sur une population de personnes diabétiques de type 21, traités par différents antidiabétiques, dont la metformine. Au sein de cette population de diabétiques, les chercheurs ont comparé un groupe de personnes ayant développé un cancer à un second groupe de patients ne présentant aucune tumeur. Conclusion : les personnes de ce second groupe étaient plus nombreuses à prendre de la metformine par rapport à celles chez qui un cancer avait été diagnostiqué.

Cette étude écossaise est la première à avoir établi un lien entre la metformine et un risque plus faible, de l'ordre de 15 %, de développer un cancer. L'effet préventif de l'antidiabétique s'avère d'autant plus marqué que la prise du médicament était importante et ancienne, et il n'apparaît pas pour les autres traitements du diabète de type 2, comme l'insuline.

Depuis, d'autres études ont confirmé ces résultats pour certaines localisations précises du cancer : la prise de metformine réduirait la survenue de cancer de la prostate, du sein, du pancréas ou encore du foie. La metformine aurait également un impact sur la survie des malades. Récemment, une étude américaine portant sur le cancer de l'ovaire2 a montré que les femmes prenant de la metformine avaient un taux de guérison à 5 ans de 67 % contre 47 % dans le groupe non traité par l'antidiabétique.

Comprendre les mécanismes biologiques

Ces études sur des populations diabétiques ont incité les biologistes à se pencher de nouveau sur la metformine, afin de mieux comprendre le rôle que semble jouer ce médicament sur les cellules cancéreuses. L'équipe niçoise du Dr Bost, soutenue par la Fondation ARC, s'est concentrée sur le lien entre metformine et cancer de la prostate, qui s'avère plus agressif chez les personnes obèses ou diabétiques de type 2. Elle a ainsi retrouvé au cours d'études pré-cliniques l'effet anticancéreux de la molécule3. « La metformine inhibe la prolifération des cellules cancéreuses, explique le Dr Bost, ce qui freine la croissance des tumeurs prostatiques ». Des travaux similaires ont montré un même effet de l'antidiabétique sur le cancer du sein, du côlon ou du poumon, pour lequel des chercheurs ont observé une diminution très nette de la croissance des tumeurs en réponse à la metformine.

Si l'effet de l'antidiabétique pourrait être curatif, il pourrait également être préventif. Ainsi, la molécule intervient dès le début de la transformation des cellules saines en cellules cancéreuses, détaille le Dr Bost : « Quand on introduit la metformine durant ces premières étapes, on inhibe l’expression de certains marqueurs déterminants pour la transformation cellulaire, ce qui bloque à son début le processus de cancérisation. » L'antidiabétique empêcherait ainsi la formation des premières cellules cancéreuses, confirmant les résultats précurseurs du Dr Evans sur son rôle préventif.

Les travaux de l'équipe niçoise se poursuivent concernant le rôle éventuel de l'antidiabétique sur la formation des métastases, qui peuvent apparaître notamment au niveau de l'os pour les cancers de la prostate. Et là aussi, l'effet semble prometteur : « des premiers résultats montrent que la metformine pourrait diminuer la migration des cellules cancéreuses, et donc pourrait agir en réduisant le risque de métastases », rapporte le Dr Bost.

Vers les premiers essais cliniques

L'antidiabétique présente de nombreux avantages pour le Dr Frédéric Bost : « La metformine est très bien tolérée chez les patients atteints de diabète, et elle est aujourd'hui utilisée en première intention. De plus, elle n'entraîne pas chez un patient non diabétique une baisse de la glycémie. On peut penser qu'elle pourrait leur être prescrite sans risque. » Ainsi, la metformine pourrait être utilisée pour améliorer l'efficacité de certaines molécules de chimiothérapie auxquelles elle serait associée, et ce même pour des personnes non diabétiques.

Le Dr Bost a ainsi lancé au mois de janvier 2013 un essai en association avec le Pr Jean-Marc Ferrero du centre Antoine-Lacassagne (Nice), pour étudier l'effet de la metformine en complément d'une chimiothérapie sur le cancer de la prostate. De nombreux essais cliniques sont actuellement menés dans le monde sur l'utilisation de l'antidiabétique pour traiter d'autres cancers, et déboucheront peut-être bientôt sur de nouvelles indications de la metformine.


G.F.

1 J.M.M. Evans et al. Metformin and reduced risk of cancer in diabetic patients. BMJ. 2005;330:1304-05.
2 S. Kumar et al. Metformin intake is associated with better survival in ovarian cancer: A case-control study. Cancer. 2013;119(3):555–62.
3 I. Ben Sahra et al. The antidiabetic drug metformin exerts an antitumoral effect in vitro and in vivo through a decrease of cyclin D1 level. Oncogene. 2008;27:3576–86.