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28 avril 2014

Lymphomes non hodgkiniens : comment réagir plus tôt ?

La prise en charge des lymphomes non hodgkiniens, des cancers du système immunitaire, a beaucoup progressé ces dernières années grâce à l’arrivée de traitements innovants. Les patients peuvent aujourd’hui espérer une guérison s’ils sont diagnostiqués suffisamment tôt. Pour que cette perspective s’étende à l’ensemble des patients, notamment ceux qui connaissent des rechutes, les chercheurs concentrent leurs efforts sur la compréhension des évènements cellulaires qui provoquent le développement de ces cancers.

Une maladie ancienne mais encore mal comprise

Il y a un peu plus de 180 ans, le médecin britannique Thomas Hodgkin décrivait une maladie du sang caractérisée par la présence de globules blancs anormaux, dont l’aspect particulier correspondait à celui des cellules dites de Reed Sternberg. C’est un second médecin, parachevant sa description quelques décennies plus tard, qui attribua le nom de « maladie de Hodgkin » à cette affection qui s’avéra être un lymphome, un cancer qui se développe dans les ganglions lymphatiques et qui touche les lymphocytes B ou T. Les lymphocytes sont des cellules immunitaires qui participent à la défense de l’organisme. Elles sont présentes dans l’ensemble du système lymphatique (moelle osseuse, rate, thymus, ganglions et vaisseaux lymphatiques) et circulent également dans le réseau sanguin. Depuis, d’autres lymphomes ont été décrits, qui ne présentaient pas ces cellules de Reed Sternberg et ont donc été appelés lymphomes non hodgkiniens (LNH). Ces LNH représentent en réalité la très grande majorité des cas puisque seulement 15 % des lymphomes sont de type hodgkinien.

Aujourd’hui, les estimations de l’Institut de veille sanitaire, pour la France, font état d’environ 12 500 cas annuels de LNH. Ces chiffres ont été en constante augmentation entre les années 1970 et 2000 avant de se stabiliser depuis une dizaine d’année. Cette évolution reste à ce jour énigmatique. Chez les patients, la maladie progresse parfois très rapidement (quelques semaines à quelques mois), on parle alors de formes « agressives », généralement bien soignées si elles sont diagnostiquées précocement. Mais dans la majorité des cas, les LNH se développent très lentement (plusieurs années) et on parle alors de formes « indolentes ». Dans cette forme, les LNH n’induisent pas de signe clinique spécifique ce qui engendre un diagnostic souvent tardif, rendant leur prise en charge plus complexe. De plus, bien que les lymphomes indolents soient sensibles aux traitements, ils sont sujets à des rechutes fréquentes.

Evolution épidémiologique inexpliquée, progression silencieuse du cancer, récidives… Bien que ce groupe de cancers soit connu depuis longtemps, de nombreux rouages restent encore dans l’ombre et limitent les progrès en termes d’innovation thérapeutique, de diagnostic précoce et de prévention. Pour la recherche, les défis sont nombreux.

Genèse d’un lymphome non hodgkinien

C’est pour identifier les événements à l’origine de la transformation d’une cellule saine en cellule cancéreuse ou encore mettre en évidence des facteurs de risque, que l’équipe de Bertrand Nadel s’est constituée. Au sein du Centre d’immunologie de Marseille Luminy, l’équipe travaille en particulier sur le développement du lymphome folliculaire (LF), un lymphome indolent encore considéré à ce jour comme incurable.

Le premier pas dans l’exploration des causes de ce lymphome est ancien. En 1987, une équipe américaine identifiait la première caractéristique, à l’échelle moléculaire, des lymphocytes B cancéreux chez des patients atteints de LF : la translocation « t(14 ;18) », c’est-à-dire l’échange anormal de matériel génétique entre les chromosomes n°14 et n°18. Sandrine Roulland, collaboratrice de B. Nadel, rappelle que « dans les années 90, des lymphocytes B porteurs de cette translocation ont été retrouvés chez des individus sains ». Si la présence de cette anomalie n’est apparemment pas suffisante, est-elle nécessaire pour transformer des lymphocytes en cellule cancéreuse ? Quel est le devenir de ces cellules porteuses de la translocation ?

Face à ces questions, l’équipe marseillaise, financée à hauteur de 50 000 euros par la Fondation ARC, a choisi d’exploiter les ressources de la cohorte EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition), qui compte un peu plus de 500 000 personnes volontaires suivies durant plus de 15 ans. Pourquoi cette cohorte ? Parce qu’elle permet aux chercheurs de disposer de prises de sang d’individus sains qui, pour certains, allaient par la suite développer un LNH au cours de leur suivi. Des comparaisons montrent que la proportion de lymphocytes B porteurs de la translocation était nettement plus élevée dans les prises de sang des futurs malades que dans les prises de sang des individus sains qui n’ont pas développé de LNH. Les chercheurs ont alors calculé que, lorsqu’elle dépasse un certain seuil, la proportion de lymphocytes porteurs de la translocation multiplierait par 23 le risque de développer un LNH, même 10 à 15 ans plus tard1 ! Associés aux connaissances établies par l’équipe ces dix dernières années, ces résultats permettent d’affirmer que ces cellules sont bien à l’origine du LNH. Dès lors cette translocation semble pouvoir être utilisée comme un biomarqueur, c’est-à-dire un caractère détectable qui permet d’identifier une cellule ou une population de cellules.

Ainsi, sous réserve d’études épidémiologiques de grande échelle, ce biomarqueur pourrait tout d’abord aider à identifier des populations à risque, voire même des facteurs environnementaux ou génétiques associés à une augmentation du risque. Une perspective très intéressante pour la prévention de ces cancers et leur détection précoce.

Deuxième point capital, les chercheurs ont désormais la possibilité « de reconnaitre les cellules qui sont engagées dans la transformation, et donc de les isoler, pour les étudier et identifier d’autres facteurs clés dans le processus de cancérisation » explique B. Nadel, enthousiaste. Effectivement, comprendre les mécanismes biologiques à l’œuvre entre la survenue de la translocation et la transformation d’un lymphocyte B en cellule cancéreuse offre autant de cibles thérapeutiques potentielles.

Vers de nouvelles approches thérapeutiques

En marge de leurs propres projets de recherche, B. Nadel et S. Roulland se disent frappés par le nombre d’essais cliniques en cours et à venir. Parmi les derniers résultats marquants, ils citent la remise en cause, dans un essai de phase III, de la stratégie dite « d'abstention thérapeutique ». Celle-ci consiste, chez des patients ne présentant pas de symptôme, à differer le traitement et ainsi éviter des effets secondaires tout en surveillant la progression de la maladie. D’après les résultats de cet essai, stimuler le système immunitaire pour qu’il s’attaque aux lymphocytes B malades serait préférable à la stratégie d'abstention2. Cette immunothérapie s’appuie sur un traitement au rituximab, un anticorps dirigé contre une molécule spécifique des lymphocytes B.

Un second essai montre quant à lui, la bonne efficacité d'un inhibiteur ciblant spécifiquement une enzyme anormalement activée dans les lymphocytes B malades, chez des patients en récidive3.

L’ensemble de ces résultats laisse imaginer, comme le suggèrent les chercheurs, que la décennie à venir pourrait voir les chimiothérapies sortir de l’arsenal thérapeutique des LNH, au profit de solutions plus efficaces et présentant moins d’effets indésirables.

Pour en savoir plus, découvrez notre nouvelle brochure sur les lymphomes non hogkiniens.


R.D.

1 Roulland, S. et al ; t(14 ;18) translocation : a predictive blood biomarker for follicular lymphoma ; Journal of clinical oncology ; publié en ligne le 31 mars 2014
2 Ardeshna, K.M. et al ; Rituximab versus a watch-and-wait approach in patients with advanced-stage, asymptomatic, non-bulky follicular lymphoma: an open-label randomised phase 3 trial; Lancet oncology; publié en ligne le 4 mars 2014
3 Gopal, A.K.; PI3Kδ inhibition by Idelalisib in patients with relapsed indolent lymphoma; The new england journal of medicine; publié en ligne le 22 janvier 2014