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16 octobre 2017

Dépistage du cancer du sein : vers une personnalisation généralisée ?

En 2014, un élan était donné par la ministre de la santé pour réaliser un grand « audit » du dépistage organisé du cancer du sein. Trois ans plus tard, des améliorations ont été proposées par les autorités de santé et la recherche ouvre des perspectives d’évolution profonde du dispositif.

Face à une maladie fréquente et grave – les cancers du sein touchent plus de 50 000 femmes et sont responsables de près de 12 000 décès chaque année en France – le dépistage a pour objectif de déceler les cancers avant qu’ils n’aient atteint un stade de développement avancé et ainsi de les traiter plus simplement, avec de meilleures chances de succès et une meilleure qualité de vie pour les patientes.

L’organisation nationale du dépistage, mise au point en 1994 et déployée en 2004, avait pour but de permettre un accès égal pour toutes les femmes à la démarche, quel que soit leur niveau social ou leur lieu de vie. Fin 2014, Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, dressait un bilan des 10 années de dépistage organisé et prescrivait l’organisation d’un débat scientifique et d’une concertation citoyenne pour faire le point sur les connaissances actuelles et les attentes de la société.

Le(s) dépistage(s) du cancer du sein en 2017
  • Dès 25 ans, il est recommandé à toutes les femmes de faire réaliser un examen clinique mammaire tous les ans, par un médecin généraliste, un gynécologue ou une sage-femme.
  • Les femmes de 50 à 74 ans, sans symptômes et sans facteur de risque particulier de cancer du sein autre que leur âge, sont invitées par courrier tous les deux ans à réaliser une mammographie de dépistage et un examen clinique, sans avance de frais. Chaque mammographie bénéficie d’une double lecture. Il s’agit du dispositif national de dépistage organisé.
  • Pour les femmes dont l’histoire personnelle ou familiale est associée de façon avérée à un risque plus élevé de cancer du sein, ou qui sont porteuses d’une mutation génétique (gènes BRCA1/2, PALB2…), les modalités de suivi sont spécifiques et ont été mises à jour par la haute autorité de santé (HAS) en 2014 (en savoir plus).

Dépistage organisé, pourquoi une remise en question ?

Ce bilan montrait en premier lieu que le taux de participation au dépistage organisé stagnait depuis 2008 aux alentours de 52 %, loin des 70 % recommandés pour une bonne efficacité globale du dispositif. Les données disponibles montraient aussi que la participation était inégale selon les territoires et les groupes socioéconomiques. Enfin, une controverse s’était développée, dès le début des années 2010 autour des bénéfices et des risques réels du dépistage organisé : quel est son rôle effectif dans la baisse de la mortalité liée au cancer du sein, par rapport à celui du dépistage individuel ou des progrès thérapeutiques ? Le poids du surdiagnostic – et donc du surtraitement – inhérent à la démarche de dépistage, n’est-il pas sous-estimé ? Quel est l’impact, sur la santé de milliers de femmes, d’une mammographie tous les deux ans pendant 24 ans ?

Une plateforme de consultation en ligne a été ouverte par l’Institut national du cancer (INCa) entre la fin de l’année 2015 et le début de l’année 2016, et des conférences de citoyennes et de professionnels ont été organisées. Un travail de synthèse a ensuite été réalisé et soumis aux pouvoirs publics. Selon les conclusions de cette synthèse, le dépistage organisé pouvait, soit être simplement abandonné, au profit du dépistage individuel, soit être remplacé par un nouveau dispositif profondément modifié. Les autorités de santé ont opté pour la seconde option, en premier lieu pour continuer à garantir un accès universel au dispositif. Depuis, plusieurs évolutions ont été apportées au dispositif de dépistage.

  • Pour mieux éclairer le choix des femmes, l’information sur les bénéfices et les inconvénients du dépistage a été améliorée, en 2016 puis en 2017. L’enjeu était de mieux intégrer les notions de surdiagnostic et de surtraitement, de cancer radio-induit ou de cancer de l’intervalle (qui se développe entre deux mammographies de dépistage).
  • Depuis le printemps 2016, les femmes à risque élevé de cancer du sein (antécédents personnels ou familiaux, historique d’irradiation thoracique, présence d’une mutation génétique des gènes BRCA…) bénéficient d’une prise en charge à 100 % des examens de dépistage, qui ont été réactualisés en 2014 par la Haute Autorité de Santé. Le dépistage organisé s’adressant exclusivement aux femmes de risque moyen âgées de 50 à 74 ans, ces femmes n’entraient pas dans le cadre du dispositif national et donc du soutien financier qu’il constitue.
  • à partir de janvier 2018, toutes les femmes âgées de 25 et 50 ans se verront proposer une consultation (prise en charge à 100 %) dédiée à la prévention et au dépistage des cancers, en particulier du sein et du col de l’utérus. Ces consultations seront l’occasion de parler des facteurs de risques comme des avantages et des risques du dépistage.

Malgré ces premiers efforts, dont l’efficacité n’a pas encore pu être évaluée, la modification en profondeur du dispositif n’est toujours pas effective. Par ailleurs, la controverse sur l’efficacité ou les risques du dépistage ne s’essouffle pas. Comment imaginer, alors, faire bouger les lignes ?

Statistiques globales VS santé individuelle

S. Delaloge
Dr Suzette Delaloge 

Pour Suzette Delaloge, oncologue et responsable du comité de pathologie mammaire à Gustave Roussy (Villejuif), « il est peut-être nécessaire de se départir des arguments de politique de santé publique pour répondre le plus précisément à chaque femme qui questionne l’utilité de sa participation au dépistage ». Aujourd’hui, quand une femme l’interroge sur sa situation propre,  le médecin, qui ne dispose que des recommandations officielles, ne peut pas lui apporter une réponse suffisamment précise et éclairante. Ces recommandations concernent en effet la population générale et n’ont de sens que dans une optique de santé publique.

Concrètement, une femme pourrait admettre de « courir le risque » du surdiagnostic si elle se sait exposée à un risque de cancer supérieur à la moyenne. Au contraire, des données fiables qui lui attribueraient un risque individuel très faible pourraient justifier de faire reculer sa participation au dépistage ou d’en alléger les modalités.

« Tout l’enjeu, pour nous, réside donc dans la mise au point d’outils permettant d’évaluer le niveau de risque de chaque femme et de proposer, en fonction, un programme de dépistage adapté » conclut la chercheuse.

Évaluer la personnalisation

Des travaux réalisés ces dernières années, soutenus par la Fondation ARC, ont déjà permis de mettre en place un système de score reflétant le niveau de risque de chaque femme. Les travaux en questions ont montré que l’intégration de quatre critères (l’âge, les antécédents gynécologiques, l’histoire familiale et la densité mammaire, évaluée grâce à une analyse numérique des données d’imagerie) était suffisante pour qu’un logiciel développé dans ce but (MammoRisk®) calcule ce score. Sur ces bases, et en affinant encore l’algorithme d’estimation du risque grâce à des données génétiques individuelles, l’équipe de Suzette Delaloge initie maintenant un projet d’une ampleur inédite, dont la Fondation est partenaire.

My-PeBS, pour My Personal Breast Screening (mon dépistage personnalisé du cancer du sein), est un essai européen qui doit comparer deux modes de dépistages : le dispositif actuel et celui, proposé par les chercheurs, qui adapte les modalités de suivi en fonction du niveau de risque établi par le calcul du score. « Valider cette approche nécessite de voir grand : pour comparer deux pratiques de santé publique, les données d’efficacité recueillies doivent être solides et nous devons aussi estimer la faisabilité de cette nouvelle façon de faire » explique Suzette Delaloge. En conséquence, l’essai promu par UNICANCER repose sur un consortium international et prévoit de recruter 85 000 femmes de 40 à 74 ans à travers 5 pays (France, Royaume-Uni, Italie, Belgique et Israël) ; l’étude devrait durer 7 ans et aura comme objectif principal de savoir si cette approche personnalisée permet bien de dépister au moins autant de cancers (de stade II et plus) que le dépistage proposé actuellement. « Nous avons abaissé l’âge de participation à 40 ans pour tenter de dépister certains cancers qui surviennent précocement et qui sont souvent assez agressifs. Par ailleurs, au-delà de l’objectif principal qui sera évalué, nous espérons montrer que le dépistage personnalisé permet de détecter plus de cancers à un stade précoce », précise Suzette Delaloge, investigatrice principale de l’essai.

Outre ces objectifs majeurs, de très nombreux autres paramètres seront aussi comparés : l’acceptabilité de la démarche pour les femmes, la proportion estimée de surdiagnostic et de surtraitement, le rapport coût/efficacité pour les systèmes de santé… En fonction de ces résultats, les perspectives du dépistage du cancer du sein pourraient évoluer drastiquement, comme le préconise le rapport du comité d’orientation, rédigé en 2016 suite à la concertation citoyenne et scientifique.


R. D.