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10 décembre 2020

COVID19 et cancers : recherches croisées sur les vaccins à ARN

Les vaccins à ARN qui semblent porter tous les espoirs d’une potentielle fin de crise sanitaire constituent un saut technologique et médical important, que la communauté scientifique prépare depuis longtemps, notamment contre les cancers.

A-R-N-m : quatre lettres cristallisent depuis quelques semaines les espoirs de millions de personnes à travers le monde. Plusieurs vaccins basés sur l’injection de ces Acides RiboNucléiques Messagers ont en effet été développés et leurs premiers résultats dépassent, pour l’instant, les espoirs que chercheurs et médecins avaient osé formuler. Si ces vaccins à ARNm sont une nouveauté pour le grand public, aucun n’ayant jamais obtenu d’autorisation de mise sur le marché, l’approche est à l’étude depuis plusieurs années dans les laboratoires de recherche. Très concrètement, l’équipe dirigée par Ugur Sahin, cofondateur de l’entreprise allemande BioNTetch qui a mis au point l’un des vaccins candidats, fait partie des pionniers qui travaillent depuis plus de 10 ans sur des stratégies de vaccination par ARN pour lutter contre… les cancers !

De l’ARN à la mobilisation du système immunitaire

Les ARNm sont des molécules qui constituent, pour toutes les cellules, les plans de fabrication des protéines. Le principe d’une vaccination basée sur l’injection d’ARNm est relativement simple : les ARNm injectés sont pris en charge pas les cellules de l’organisme, qui l’utilisent pour produire la ou les protéine(s) correspondante(s). Puis, comme elles le font avec toutes les protéines qu’elles produisent, les cellules en exposent à leur surface des échantillons représentatifs, pour que les cellules immunitaires en maraude puissent les contrôler. Dans le cas de la vaccination contre le SARS-Cov2, les ARNm injectés dans le vaccin codent notamment pour une partie de la protéine S1, présente à la surface de l’enveloppe virale. Ainsi, lorsque le contrôle a lieu, les cellules immunitaires qui reconnaissent les échantillons comme étant issus d’un agent étranger, mettent en place un dispositif de défense complet pour éliminer tout ce qui y ressemble, dans l’instant mais aussi à l’avenir, grâce aux grandes capacités de mémoire de notre système immunitaire. C’est le principe de toute vaccination préventive : exposer à notre système immunitaire un échantillon représentatif de l’agent pathogène pour qu’il développe, par anticipation, tout l’arsenal défensif qui sera un jour mobilisé si le pathogène se présente.

Pour activer le système immunitaire, l’ARNm a un autre avantage : la simple présence de ces molécules dans notre organisme est un signal d’alerte. Lorsque certaines cellules immunitaires captent une présence anormale d’ARN, des mécanismes inflammatoires sont déclenchés. Ils contribuent à établir un contexte favorable à la réponse immunitaire et sont indispensables dans une démarche de vaccination. Dans les vaccins « classiques », ce rôle est joué par les adjuvants, qui sont donc rendus inutiles dans les vaccins à ARNm.

L’approche vaccinale contre les cancers

Quand il s'agit des cancers, l’approche n’est plus préventive ; elle vise à être curative : on ne prépare pas le système immunitaire à être efficace contre de futures et éventuelles cellules cancéreuses, mais on cherche à faire en sorte de rétablir et focaliser son action quand un cancer s’est développé. Au-delà de cette différence temporelle, le principe est le même : faire en sorte d’exposer aux cellules immunitaires des échantillons représentatifs des cellules cancéreuses, dans un contexte inflammatoire adapté. Dès lors, l’une des grandes questions est de savoir quel(s) échantillon(s) présenter. En effet, il faut s’assurer que ce ciblage ne puisse pas monter le système immunitaire contre des cellules saines qui exprimeraient, elles aussi, la protéine codée par les ARNm vaccinaux ! Pour trouver des cibles spécifiques aux cellules cancéreuses, la piste que suivent majoritairement les chercheurs repose sur l’exploration du patrimoine génétique des tumeurs : certaines des mutations génétiques présentes dans les cellules cancéreuses se répercutent directement sur la nature des protéines produites par ces cellules. En désignant ces protéines mutées au système immunitaire, ce que les immunologistes appellent des « néo-antigènes », le ciblage de la tumeur est, théoriquement, assuré.

Aujourd’hui, cette stratégie fait déjà l’objet d’essais cliniques, à des stades encore précoces, notamment dans le cadre de cancers du sein triple négatifs et de mélanomes. Les néo-antigènes ciblés dans chaque cas sont multiples. Les vaccins actuellement testés sont ainsi constitués d’un cocktail d’ARNm, encapsulés dans des vésicules de lipides, destinées à protéger les fragiles ARNm et à faciliter leur intégration dans les cellules.

Enfin, certains travaux visent à optimiser encore la stimulation immunitaire en ciblant spécifiquement l’activation des cellules dendritiques des patients, dont on sait qu’elles jouent un rôle central dans l’orchestration des réponses immunitaires : lorsqu’elles sont « infectées » par l’ARN vaccinal, ciblant les néo-antigènes tumoraux, les cellules dendritiques réagissent comme si elles faisaient face à une infection virale et répondent en conséquence. Les premiers résultats cliniques, très préliminaires, donc, semblent indiquer une bonne efficacité de l’approche.

Face aux cancers, bien d’autres facteurs entrent en ligne de compte pour espérer obtenir une efficacité thérapeutique. En particulier, on sait que les tumeurs opposent de nombreux freins au système immunitaire pour se prémunir de son action. Les immunothérapies basées sur les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (les anti-PD1, anti-PD-L1 et anti CTLA-4) pourraient donc, évidemment, à terme, être associées aux éventuelles stratégies vaccinales. Elles sont d’ailleurs déjà intégrées aux essais de vaccination en cours contre les cancers.

De façon générale, ces approches basées sur l’activation très précise du système immunitaire ouvrent des perspectives inédites en termes de personnalisation des traitements, la synthèse d’ARNm spécifiques en laboratoire étant relativement simple en tant que telle et donc réaliste dans le cadre d’une prise en charge. Evidemment, ces développements doivent être accompagnés d’une grande vigilance quant à la toxicité éventuelle (mais a priori faible) des ARN, des molécules qui n’ont encore jamais été utilisées comme médicament. Les essais cliniques mis en œuvre actuellement, à très grande échelle, devraient apporter certaines réponses précises à ces questions. On peut aussi espérer que ces essais permettront de générer des informations massives sur la nature de la réponse immunitaire induite par ce nouveau type de vaccination. Une connaissance importante pour, peut-être, identifier les limites ou les opportunités de cette approche dans un contexte de vaccination anti-cancéreuse.


R.D.

Sources :
Sahin, U. et al; An RNA vaccine drives immunity in checkpoint-inhibitor-treated melanoma; Nature; 29 juillet 2020
Sahin, U. et al; Personalized RNA mutanome vaccines mobilize poly-specific therapeutic immunity against cancer; Nature; 5 juillet 2017
Kranz, L.M. et al; Systemic RNA delivery to dendritic cells exploits antiviral defence for cancer immunotherapy; Nature; 1er juin 2016
Schmidt, M. et al; T-cell responses induced by an individualized neoantigen specific immune therapy in post (neo)adjuvant patients with triple negative breast cancer; Annals of oncology; supplement de septembre 2020; presentation au congrès de l’ESMO